Visite d’atelier.

Atelier Chevert le 21 février 2021.

D’abord, s’imprégner d’une odeur… celle de la thérébentine et de la peinture à l’huile..

Jeter les yeux sur une mosaïque de petits carrés format 30×30 cm, érigés en rangs serrés sur un mur… ou s’alignant au sol dans un camaïeu de gris colorés, étirant leur palette du vert pâle au brun rougeoyant…

Entendre, sans les écouter vraiment, les mélodies atonales évoquant vaguement de vieilles chansons arméniennes, que l’artiste sifflote, plutôt que de parler…

Laisser se yeux errer sur un fouillis inextricable de pots, flacons, bocaux, coupelles, tous emplis de mystérieux mélanges… pinceaux, brosses, couteau, tubes, chiffons, tous maculés de taches et de coulures… bandes de papiers pelures déchirées à la main, enduites de peinture à l’huile… tout cela jonchant le sol… – car l’artiste travaille au sol le plus souvent…

Surprendre, avec l’impression de pénétrer dans un jardin secret, une esquisse d’ange en chute libre, dans un carnet de dessin ouvert sur la table…

Sourire, avec cette fois le sentiment de commettre une indiscrétion, devant une page d’un livret technique arborant cette entête triviale : « comment créer un effet craquelé » !

Prendre le temps de méditer quelques minutes devant deux grands formats agraphés sur deux autres murs de l’atelier, l’un terminé, « L’envol d’une âme », l’autre, surface miroitante dans les tons vert, blanc et violet, évoquant les jeux de la lumière sur une mare, et encore en attente d’un motif humain – ou angélique ? – qui viendrait l’habiter…

Puis, enfin, revenir aux « petits carrés », les biens connus, mais aussi les nouveaux-nés… ceux qui vous ont fait de l’oeil dès l’entrée, ceux qui clignotaient de leurs fulgurances orangées ou jaunes citron, et qui attendaient d’être contemplés un à un…

Alors, il y a ceux qui se font reconnaître, qui portent déjà un titre, et dont on se dit : « oui, La colline inspirée » ! ou « Aube sur la grève »… Puis il y a ceux qui, nouveaux venus, donnent envie de les nommer, très vite ! « le rivage des Syrthes »…  « Stromboli »… « La fin des terres »… « L’île de beauté par la mer » !.. – où le peintre n’est jamais allé !!

Un rayon de soleil couchant s’invite sur le mur en face de moi, et donne un coup de projecteur éphémère à deux nouveaux venus, que l’on nommerait bien : « Fugiyama au printemps », et « Brouillard sur la toundra »… Mais là non plus, le peintre n’est jamais allé !

A moins qu’il ne s’agisse, dans nombre de tableaux, du souvenir des horizons lointains, où se profilent de hautes et sauvages montagnes, de son pays natal, l’Arménie ?..

Mais d’où vient que devant tel tendre vert tirant sur le rose,  parfaitement abstrait, on voit déjà fleurir le tamaris ?.. ou que devant ce ruban horizontal argenté fendant par le milieu ce tableau rougeyant et violet, on voie tout à fait distinctement un « Clair de lune sur les îles éoliennes » ???

« Le besoin de voyage » diront les uns… « de poésie ! », diront les autres… « le besoin de mots ?»…

« C’est la même chose » répondrons-nous ! Et c’est l’affaire du regardeur !

Aucun mot ne sera dit… les pensées secrètes resteront derrière le regard impénétrable de l’artiste.

Les œuvres, elles, vont pouvoir commencer leur carrière autonome : s’exposer, séduire un amateur, et peut-être… lui donner à rêver…

Emmanuelle Costet

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